Pour lutter contre "l'économie de marché" et ses effets délétères, certains proposent d'encourager "l'économie d'entreprise". Si j'ai bien compris, il s'agit de pousser les entrepreneurs à s'entendre pour le partage du marché et la mise en en place d'une éthique économique.

L'enfer est pavé de bonnes intentions. Et voilà bien une idée qui me paraît malsaine. Cette pratique a un nom: corporatisme. Sous le prétexte de soutenir une nation (ou l'Europe, voire le monde), la connivence entre entrepreneurs pourrait bien paralyser la société, empêcher l'émergence de nouvelles idées et le progrès au sens large.

L'histoire récente des nouvelles technologies illustre les effets pervers de cette idée rétrograde. A vouloir préserver les acteurs existants (opérateurs téléphoniques, ensembliers télécom, distributeurs de vente par correspondance, etc.) beaucoup d'innovations ont été scandaleusement écartées, aussi bien d'un point de vue technique qu'économique.

Du coté du commerce en ligne, toutes les Start-Up n'étaient pas incompétentes. Pourtant 99% d'entre elles se sont vues écrasées par les méthodes concurrentielles déloyales des grands comptes (pressions sur les fournisseurs, les transporteurs, les annonceurs).

Quand au réseau à haut débit que les années 90 nous promettait, force est de constater que France-Télecom et ses partenaires ont le monopole de cette activité à tous les niveaux. Pourquoi?

De nombreuses solutions techniques originales auraient pu être explorées. Ces solutions étaient bien plus prometteuses parce qu'elles ne s'appuyaient pas sur l'infrastructure historique du réseau téléphonique commuté.

Par exemple, transmettre de l'information numérique sur les câbles électriques est une idée géniale. Elle a pourtant été abandonnée pour ne pas nuire à FT et ses copains. N'est-ce pas une mesure rétrograde au plus haut point?

Récemment, les bricoleurs du WiFi ont pu apprécier l'étroitesse d'esprit des décideurs de ce pays.

Avec 2000 euros de matériel informatique grand public, n'importe quel hacker peut dépasser en performance et en liberté tous les futurs réseaux promis par les opérateurs.

Avec l'aide de l'état, cette technologie (ou d'autres) aurait permis de déployer un réseau gratuit, libre de droits et évolutif... un réseau qui se serait construit par la somme d'initiatives individuelles et bénévoles. Voila qui aurait réellement pu transformer notre vie quotidienne.

Mais ces perspectives dignes d'un roman de SF ont été balayées d'un revers de main. Dorénavant, les fréquences radio sont la chasse gardée des opérateurs téléphoniques. Il faudra une révolution avant que des universitaires puissent à nouveau changer la face du monde en bricolant des inventions dans un garage.

Ce n'était qu'un petit exemple écoeurant parmi tant d'autres innovations tuées dans l'oeuf.

Laisser l'orientation du future entre les mains de la confrérie des entrepreneurs en place me paraît au moins aussi nuisible que la centralisation des outils de production voulue par les états communistes en leurs temps.

Pour corriger les effets délétères du libéralisme, il faut apporter une évolution au système économique existant. Faut-il pour autant centraliser la prise de décisions? certainement pas...

Mettre en évidence les dépenses communautaires causées par le commerce et l'industrie, permettre à ces dépenses d'être régulées par le marché, voila ce dont la société a besoins pour évoluer à nouveau dans le bon sens, celui du bien commun. C'est le principe du rationnement communautaire, principe que j'ai tant bien que mal essayé d'expliquer dans mes précédents articles.